BHP réclame plusieurs milliards de dollars devant la justice

La bataille judiciaire qui se joue autour de BHP Billiton n’a rien d’un simple épisode de prétoire : le géant minier est rattrapé par l’une des plus vastes demandes d’indemnisation jamais entendues dans les tribunaux britanniques. Le dossier est lourd, les chiffres astronomiques, et en toile de fond, des milliers de vies bouleversées par une catastrophe industrielle hors norme.

Effondrement du barrage

Retour en 2015, dans le sud-est du Brésil. La mine de fer de Samarco, exploitée main dans la main par BHP Billiton et Vale, connaît l’irréparable : la rupture brutale de son barrage. Le bilan humain est glaçant, avec 19 personnes décédées. Mais la tragédie ne s’arrête pas là. Plus de 700 habitants se retrouvent sans toit, balayés par un flot de boue toxique qui submerge leur village et réduit en ruines la quasi-totalité des habitations.

La coulée, chargée de résidus miniers, ne s’est pas limitée à dévaster un village. Elle a aussi contaminé l’eau potable de centaines de milliers de personnes, polluant la rivière Doce sur des dizaines de kilomètres. Les conséquences se sont propagées bien au-delà des rives, affectant la faune, mettant en péril la santé publique dans l’État d’Espirito Santo, et bouleversant l’existence d’un million d’individus. Face à un tel désastre, le mot “dommages” paraît presque insuffisant.

Rémunération

Le poids financier de la catastrophe pèse déjà lourd. BHP Billiton et Vale ont dû débourser des montants considérables pour indemniser et accompagner les communautés locales touchées. Les compensations et mesures de réhabilitation se chiffrent à plusieurs millions de dollars, mais les cicatrices, elles, ne s’effacent pas à coups de chèques.

La crise a également frappé les marchés. Plus de 3 000 investisseurs, estimant avoir été lésés, se sont tournés vers la Cour fédérale d’Australie pour tenter de récupérer leurs pertes. Juste après la catastrophe, la valeur des actions BHP a plongé de plus de 20 % en Australie et au Royaume-Uni, sapant la capitalisation boursière de la société d’un montant spectaculaire de 14 milliards de livres sterling. Les plaignants australiens reprochent à l’entreprise son manque de transparence sur les risques liés au barrage, estimant que les déclarations publiques sur la sécurité des sites ont trompé les marchés.

Pourtant, nombre de Brésiliens directement frappés par la tragédie attendent toujours réparation. Trois ans après les faits, certains n’ont reçu, au mieux, qu’une modeste compensation ; d’autres, plus nombreux encore, n’ont rien touché, laissés à leur sort sans réelle perspective de justice.

Poursuite sans précédent

Un nouveau front s’ouvre désormais au Royaume-Uni, et il pourrait bien redéfinir l’histoire du contentieux international. Plus de 240 000 victimes, appuyées par le cabinet d’avocats britannique SPG Law, ont déposé un recours collectif devant la Haute Cour de Liverpool. Cette action vise à faire reconnaître la responsabilité directe de BHP, fleuron du FTSE 100, dans la catastrophe de Samarco.

La demande ? 44 milliards de dollars, rien de moins, pour compenser les torts subis par un éventail de parties civiles : des particuliers, des communautés entières, des fondations, des tribus autochtones, l’archidiocèse catholique romain de Mariana, jusqu’à plusieurs conseils municipaux. Le message est clair : impossible d’effacer les dégâts d’un revers de main, ni d’ignorer la pluralité des victimes.

De son côté, BHP affiche une posture de combat. Le groupe promet une défense sans concession, prêt à livrer bataille devant les juges britanniques.

Au fil des audiences, bien plus qu’un affrontement d’avocats ou un règlement financier, c’est la question de la responsabilité internationale des grands groupes face aux drames humains qui se retrouve sur le banc des débats. Un dossier qui, pour des milliers de familles au Brésil, reste avant tout une histoire de justice attendue, et de vies à reconstruire sur les décombres rouges de Samarco.